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22 janvier 2013 2 22 /01 /janvier /2013 07:30
Comment faire pour que le boulot ne devienne plus un boulet

Stress, harcèlement, pression économique, précarité... L'entreprise cristallise les souffrances d'une société en crise. Et elle se montre tout sauf exemplaire, comme l'illustre un livre choc sur les DRH dont L'Express publie des extraits. Pourtant, une autre vie au travail est possible.


Comment faire pour que le boulot ne devienne plus un boulet

Depuis vingt ans, le rapport à l'emploi s'est dégradé en Europe. D'après un sondage, 58% des salariés ne font plus confiance à leurs dirigeants ni à leurs syndicats.

 

Depuis le vendredi 14 décembre, Astrid Herbert-Ravel ne parle plus à la presse. Après avoir défrayé la chronique en assignant au pénal son employeur -La Poste- pour harcèlement, cette directrice des ressources humaines (DRH) a, semble-t-il, décidé de suivre le conseil de ses avocats: temporiser jusqu'au procès, prévu fin janvier. Et les laisser négocier, d'ici là, un accord amiable. Celui-ci permettrait à La Poste, contre réparation du préjudice, de faire taire une fois pour toutes cette employée gênante. Et à la plaignante de retrouver un peu de sérénité après dix ans de cauchemar. 

DRH du réseau grand public de La Poste en Ile-de-France, Astrid Herbert-Ravel "régnait" en 2001 sur 35 000 personnes et semblait, à 30 ans, promise à une belle carrière lorsqu'un nouveau directeur est venu la chapeauter. D'après l'intéressée -puisque La Poste refuse de communiquer sur le sujet-, son patron la prend alors en grippe. Et la casse. Il lui demande des tâches dépassant ses compétences, avant d'exiger qu'elle serve le café, l'invite à le remplacer au pied levé avant une intervention devant 200 personnes, lui fixe des objectifs inaccessibles. Jusqu'à ce 13 juin 2002, où elle demande sa mutation.

La suite, Astrid Herbert-Ravel l'a révélée lors de son dépôt de plainte, en 2011: "A ce moment-là, il me pousse contre le mur, lève la main et met son genou entre mes jambes. Il me hurle au visage: 'Vous n'aviez pas à parler de ce qui se passe entre vous et moi ici. Vous n'irez nulle part, vous m'appartenez!'" Depuis, la vie de la jeune femme s'apparente à une descente aux enfers. Traumatisée, puis désavouée par sa hiérarchie, elle n'a cessé d'enchaîner les congès maladie, les missions bidon et les humiliations. Son désarroi déteint sur sa vie de famille; elle culpabilise et devient si fragile qu'elle se taillade les veines

On achève bien aussi les DRH

Seule cette attaque en justice contre trois dirigeants de La Poste, dont le PDG, Jean-Paul Bailly -une première!-, pour harcèlement, discrimination, mise en danger, non-respect des obligations de santé et de sécurité au travail, lui a rendu espoir. Ce cas de burn-out -maladie du siècle liée à la souffrance professionnelle- serait, hélas! banal s'il ne touchait une responsable des ressources humaines... la fonction censée justement prévenir de telles dérives. 

Mais on achève bien aussi les DRH, comme le montre DRH. Le Livre noir, de Jean-François Amadieu (Seuil), dont L'Express publie d'éloquents extraits. Abîmé, usé, déréglé, ce rouage essentiel à la santé au travail est en train de se gripper. Un peu comme si le médecin, subitement, tombait malade. Plus qu'un symptôme, un symbole! 

Certes, le constat peut sembler sévère quand, selon un sondage CSA publié l'an dernier dans La Croix, 57 % des Français se disent heureux d'aller au travail. Une bonne nouvelle à relativiser, puisque 62% des sondés s'y rendent "d'abord pour gagner de l'argent", et seulement 37% voient dans leur emploi un moyen de s'épanouir. Les Français et le boulot, vaste sujet. "Le travail, c'est bon pour ceux qui n'ont rien à faire!" crânait l'écrivain Henri Jeanson, comme s'il résumait l'opinion nationale sur la question. 

Objectifs contradictoires, déshumanisation, infantilisation

Mais, par-delà les idées reçues, il y a les faits. Or, ceux-ci montrent que, depuis vingt ans, le rapport à l'emploi s'est dégradé en Europe. D'après l'institut de sondages Opinionway, 58% des salariés ne font plus confiance à leurs dirigeants ni à leurs syndicats, et 73% s'offusquent du salaire des grands patrons. Alors que les PME sont plébiscitées, les grandes entreprises, elles, cristallisent les souffrances d'une société en crise. 

Objectifs contradictoires, déshumanisation, infantilisation, perte de sens, stress, individualisme, obsession du chiffre, pression des actionnaires, précarité... Face aux congés maladie qui explosent -mais aussi aux suicides-, inspecteurs et médecins du travail flanchent eux aussi.

Dans leur Manifeste pour sortir du mal-être au travail (Desclée de Brouwer), le sociologue Vincent de Gaulejac et le journaliste Antoine Mercier citent ce témoignage de Juliette, infirmière: "A mes débuts, je m'étonnais d'être payée pour faire ce métier que j'adorais. Et puis un jour, on m'a assise sur une chaise et on m'a demandé de produire. On m'a parlé de statistiques, de fréquentation, de visiteur unique. Aujourd'hui, je traîne mon travail comme un boulet." 

Que s'est-il passé, exactement? "La révolution managériale!" répondent les deux auteurs. Née il y a vingt ans des défis de la compétition mondiale, elle se fonde notamment sur l'idée qu'un travailleur est plus efficace s'il innove en permanence. Avec pour corollaire ces mots -flexibilité, mobilité, responsabilité, créativité, productivité- synonymes de modernité pour certains. Et d'insécurité pour beaucoup d'autres. Malheur aux vaincus! 

Ce ne sont plus les travailleurs qui sont fragiles, mais l'organisation

Yves Clot, psychologue et professeur au Cnam (Le Travail à coeur, la Découverte), estime qu'il faut tout repenser: "Ce n'est pas le travail qui tue, mais la gouvernance. Et si l'on se mettait à considérer que ce sont les organisations qui n'ont plus les ressources nécessaires pour répondre à l'exigence des salariés de faire un travail de qualité? Alors ce ne sont plus les travailleurs qui sont fragiles et à soigner, mais l'organisation." L'entreprise est-elle prête à s'appliquer à elle-même les conseils qu'elle prodigue à ses salariés en souffrance: s'interroger sur ses modes de fonctionnement, se réformer, évoluer? 

La plupart des spécialistes plaident en ce sens et se veulent rassurants lorsqu'ils expliquent que d'autres modes de management, plus vertueux et plus efficaces, sont possibles. L'économiste Guillaume Bigot, à la tête d'un groupement d'écoles de commerce et auteur de La Trahison des chefs (Fayard), voit le salut des entreprises dans l'art de "réapprendre le commandement". 

La journaliste Bénédicte Manier montre, elle, dans Un million de révolutions tranquilles (éd. les Liens qui libèrent), pourquoi le modèle des petites coopératives -100 millions de salariés dans le monde, soit 20% de plus que les multinationales- fonctionne mieux que les structures classiques. Mais, plus pragmatiques, les 20-30 ans de la génération Y comptent d'abord sur eux-mêmes pour réinventer le travail au quotidien, et en tirer davantage de plaisir. Comme si précarité rimait enfin avec inventivité. Au boulot aussi, un autre monde est possible.

Par Olivier Le Naire, publié le 10/01/2013 Source lexpress.fr

 

Harcèlement à La Poste : une ex-DRH prend la tête de la fronde

Ancienne de La Poste, Astrid Herbert-Ravel, 42 ans, recueille les témoignages de salariés afin de porter une plainte collective pour « harcèlement institutionnalisé ».


Astrid Herbert-Ravel chez elle à Paris, en novembre 2012

 

La première phrase est toujours la même à l’autre bout du fil :

« Est-ce que vous êtes bien Astrid Herbert-Ravel, l’ancienne DRH qui a porté plainte au pénal ? »

Dans la salle de jeux de ses enfants, Astrid Herbert-Ravel a installé un bureau. A gauche, sur les étagères, s’accumulent méthodiquement les dossiers, un par coup de fil. A droite, l’élégante quadragénaire a installé un téléphone sans fil, pour pouvoir se déplacer dans son grand appartement parisien du Sentier :

« Je reçois des dizaines d’appels, souvent le soir ou le week-end. Ça dure une heure, deux heures, parfois plus. Certains veulent faire passer pour du harcèlement ce qui n’en est pas, mais je reconnais les signes, la cassure. Certains ont fait des tentatives de suicide. Certains, je les rattrape par le col. »

Astrid Herbert-Ravel a porté plainte en avril 2011 contre trois dirigeants de La Poste – dont le président Jean-Paul Bailly – pour harcèlement, discrimination, mise en danger, non-respect des obligations de santé et de sécurité au travail.

La démarche est alors inédite, et médiatisée. Les « postiers » – c’est ainsi qu’on appelle les employés de La Poste dans la maison – se mettent à chercher le numéro d’Astrid dans l’annuaire. Les voix racontent les humiliations, les mises au placard, les intimidations, la désillusion.

Astrid écoute, note, retranscrit, s’imprègne, absorbe. A chaque histoire, elle revit la sienne. A chaque histoire, elle conjure la sienne.

A les voir défiler, et tellement se ressembler, il lui est même venu une idée avec quelques collègues postiers : porter plainte contre La Poste pour harcèlement collectif.



Astrid Herbert-Ravel dans son bureau (Audrey Cerdan/Rue89)

La DRH de 35 000 postiers

Astrid Herbert-Ravel a toujours été « postière ». Après une école de commerce à Reims et un cursus d’administrateur des PTT, elle rejoint le service de ressources humaines du siège. Jusqu’à devenir la responsable RH de 35 000 personnes.

Elle est ambitieuse. On lui propose, en 2001, d’intégrer « un vivier pour se préparer à devenir cadre stratégique », raconte celle qui est aujourd’hui en arrêt longue maladie. « Mais tout a été stoppé net ! » Astrid se met à parler sans plus reprendre son souffle :

« Fin 2001, l’un de mes directeurs change. Rapidement, son remplaçant se montre méprisant, me casse devant les autres, me disant que je n’ai aucun avenir, que La Poste n’est pas une auberge espagnole. Il cherche à me déstabiliser. Il est capable de m’appeler à 11h55 pour me demander d’aller le représenter à midi en salle de réunion. Je découvre alors qu’on m’attend pour exposer la stratégie du métier devant 200 personnes, sans filet.

Il souffle le froid et le chaud : il m’encense sur des dossiers où je me trouve moyenne, mais me lamine là où je suis excellente. Il peut tout aussi bien me demander de faire des choses très difficiles qui ne relèvent pas de mon niveau, que me demander de servir le café.

 

Petit à petit, il se met à me fixer des objectifs sans concertation et sans moyens, en décrétant au moment de les rédiger que, de toute manière, je ne les atteindrai pas. Il veut par exemple que j’organise des séminaires dans des grands hôtels mais sans budget. Je n’ai qu’à “me débrouiller”. »

Au bout de quelques mois, Astrid prévient sa hiérarchie qu’elle souhaite changer de poste :

« La hiérarchie se dit “consciente du problème” – le nouveau directeur a un passif lourd – mais, contrainte par le siège, elle ne peut “pas faire de miracle”. »

La jeune femme trouve finalement une place, à la direction des centres financiers. Elle doit négocier son départ avec le directeur qu’elle fuit.



Des dossiers dans le bureau d’Astrid (Audrey Cerdan/Rue89)

« Vous m’appartenez ! »

L’entretien a lieu le 13 Juin 2002 :

« Vers 18 heures, j’entre dans son bureau. Je lui dit que visiblement mon travail ne lui apporte pas toute satisfaction et que les relations de travail que nous avons dans son contexte ne me conviennent pas non plus. Dans ces circonstances, il vaut mieux prévoir une évolution professionnelle et je suis venue discuter avec lui des modalités de mon départ, à moyen terme.

Il ne me laisse pas aller plus loin, il se met en colère de suite. Il me pousse contre le mur, lève la main et met son genou entre mes jambes. Il me hurle au visage : “Vous n’aviez pas à parler de ce qui se passe entre vous et moi ici. Vous êtes à moi, vous n’irez nulle part, vous m’appartenez !”

Je me débats, je réussis à ouvrir la porte de son assistante pour quitter le bureau. Il hurle : “La Poste est petite. Si je vous retrouve, je vous règlerai votre compte.” »

Son mari la retrouve prostrée dans un coin de l’appartement. Elle est placée le soir même en arrêt maladie.

« Sûre de moi, je suis devenue une ombre »

L’ancienne DRH raconte son histoire comme elle raconte celle des autres postiers abîmés.

« C’est l’histoire de Jérémie, à Rennes, qui s’est défenestré devant les clients. »

« C’est ce postier que son supérieur a forcé à témoigner contre sa collègue, pour la faire passer pour folle. »

« C’est le cas de Fabiola, à qui on fait commettre des erreurs, pour les lui reprocher. Elle finit licenciée, et détruite moralement. »

Des dates, des phrases maintes fois répétées on dirait. Elle parle haut et nerveux, comme pour éloigner les faits, les faire résonner à bout de bras sous le haut plafond qui l’abrite. Elle parle au présent, comme pour convoquer le passé à volonté, reprendre le contrôle.

Astrid n’a qu’une peur, qu’on ne comprenne pas. Comment quelques secondes, quelques mots, quelques gestes ont-ils fait basculer sa vie ?

« J’étais sûre de moi, je suis devenue une ombre. Dans le harcèlement, il y a un avant et un après. C’est une attaque contre les fondations, l’identité. La personne que l’on était ne reviendra jamais. »

Depuis dix ans, Astrid fait des cauchemars. Elle rêve d’un couloir : derrière chaque porte, son ancien responsable. Elle rêve d’une benne à ordures, pleine de cartons : on l’y jette, elle n’arrive pas à en sortir.

Pourquoi n’a-t-elle pas quitté La Poste ?

« Il fallait au minimum quinze ans de service pour avoir une retraite à l’âge requis, sinon toutes les cotisations étaient perdues. »

Enfermée « dans une logique sans issue »

Astrid s’entête. La jeune femme s’est enfermée « dans une logique kafkaïenne sans issue possible », dans une « vaste toile d’araignée dont elle ne pourrait sortir », comprend le Dr Marie Pezé, qu’Astrid consulte hors de l’entreprise. Les rapports de la spécialiste de la souffrance au travail sont envoyés à La Poste, sans suite.



Astrid chez elle à Paris en novembre 2012 (Audrey Cerdan/Rue89)

 

Astrid a pourtant activé le « protocole harcèlement moral » prévu dans l’entreprise. En réponse, la direction constate, en 2004, un problème organisationnel et une « incompatibilité de fonctionnement et de caractère », à la source d’une « situation de souffrance au travail vécue comme du harcèlement moral ».

Des actions doivent être mises en œuvre : Astrid ne reprendra pas le travail dans les mêmes locaux, son rythme et ses horaires seront définis en fonction des préconisations du médecin de prévention, etc. Mais aucune n’a été suivie, constate l’ancienne DRH :

« On pousse le vice jusqu’à me faire reprendre le travail en 2005 sur le même lieu que mon harceleur.

Après des mois d’inactivité à la maison, et des missions bidons, je suis mutée au service logement de La Poste en 2008, que j’ai contribué à créer dix ans plus tôt. Mais cette fois-ci, je reviens par la petite porte : je dois m’installer dans un petit bureau isolé, à l’entresol dans l’escalier de secours à l’extérieur du service. J’y reste des mois sans boulot. »

Fin 2006, Astrid tente de se suicider.

Contactée à plusieurs reprises, La Poste n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien sur le parcours de l’ancienne DRH.

« Des méthodes hors-la-loi »

En dix ans, Astrid a eu deux enfants. Elle a aussi peint, beaucoup, les murs de son appartement, transformé l’ancien atelier de couture décrépi en musée. Chaque objet rapporté – elle a vécu en Polynésie française et beaucoup voyagé, plus jeune, avec son mari – a sa place sur une table basse, une étagère, un coffre.

Amusée de constater un tel ordonnancement, Astrid pose la voix, reprend un débit fluide :

« Je suis encore plus maniaque depuis cette histoire, comme si c’était trop le foutoir dans ma tête. »

Quelques feuilles traînent sur son petit bureau, elle s’excuse encore de ne pas avoir eu le temps de tout ranger. Astrid replonge en ce moment dans les témoignages qu’elle a recueillis pour y mettre de l’ordre. Elle veut les faire sortir de son sage classement :

« Il y a trop de parallèles entre toutes ces histoires de harcèlement. Ce sont des gens compétents. Un jour encensés, puis leur situation dérape d’un coup. Ils gênent, ont le malheur de ne pas s’entendre avec leur supérieur, sont délégués syndicaux… On les isole, on les surcharge de travail, on les sanctionne abusivement…

Sans plan social, La Poste aura perdu 80 000 postes en dix ans et la moitié de ses effectifs d’ici à 2015, c’est de la magie  ! Je ne remets pas en cause la nécessité d’évoluer de l’entreprise. Mais ses méthodes indignes, hors-la-loi et contraires aux valeurs de la République. »

Parallèlement à sa plainte au pénal – qui passe au tribunal en janvier 2013 –, Astrid Herbert-Ravel travaille, avec d’autres « postiers » et des syndicats, pour porter une plainte collective pour « harcèlement institutionnalisé » contre les dirigeants de La Poste.

Une telle procédure a abouti en juillet 2012 à la mise en examen de trois anciens dirigeants de France Télécom, suite aux suicides dans l’entreprise.

Source rue89.com du 10/12/2012

 

Suicides à La Poste: une ancienne DRH accuse la direction

Quelques semaines après deux suicides chez des salariés du groupe, une ex-responsable des ressources humaines dénonce un harcèlement moral "érigé comme mode de management".


Suicides à La Poste: une ancienne DRH accuse la direction

Astrid Herbert-Ravel, ancienne DRH des services financiers et du réseau grand public d'Ile-de-France, accuse de "harcèlement moral caractérisé" un "directeur récidiviste".

 

"J'ai moi-même traversé des moments suffisamment pénibles pour envisager le suicide." Dans une interview au magazine Challenges, une ancienne DRH de La Poste met en cause le management du groupe, quelques semaines après une suite de suicides dans l'entreprise

Astrid Herbert-Ravel, ancienne DRH des services financiers et du réseau grand public d'Ile-de-France, accuse de "harcèlement moral caractérisé" un "directeur récidiviste", et intente une action au pénal contre Jean Paul Bailly, le président de La Poste, ainsi que deux autres responsables des ressources humaines. 

"Silencieux et peu coûteux"

Mutations, intimidations, mises au placard... L'ancienne cadre dénonce un harcèlement moral "érigé comme mode de management, moyen silencieux et peu coûteux de se débarrasser des personnes gênantes". En arrière-plan, la réorganisation du groupe, accompagnée selon elle de dégraissages massifs et de licenciements abusifs. 

Pour Astrid Herbert-Ravel, les trois suicides des six derniers mois ne seraient que la face visible de l'iceberg: "Il y en aurait 73 identifiés l'an dernier, mais cela reste, selon moi, bien en deçà de la réalité", accuse-t-elle.

Source lexpress.fr du 30/03/2012

 

Suicides à La Poste : une ex-DRH accuse

INTERVIEW Astrid Herbert-Ravel, ancienne directrice des ressources humaines d'une division de La Poste, a porté plainte pour harcèlement moral contre son ex-employeur. L'audience au TGI de Paris est programmée pour janvier.

Ancien DRH à la Poste, Astrid Herbert-Ravel a porté plainte contre son ancien employeur pour harcèlement moral.L'audience à laquelle Jean-Pierre Bailly est convoquée doit se tenir en janvier. (SIPA)

Ancien DRH à la Poste, Astrid Herbert-Ravel a porté plainte contre son ancien employeur pour harcèlement moral.L'audience à laquelle Jean-Pierre Bailly est convoquée doit se tenir en janvier.

 

 

Ancienne DRH d’une grande division de la Poste, Astrid Herbert-Ravel a intenté une action judiciaire au pénal contre le président de la Poste. Elle vient d’obtenir une date d’audience de la 31e chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris. Jean-Paul Bailly est censé se rendre en personne, en janvier prochain pour y répondre de l’accusation de harcèlement moral. Elle a accepté de répondre aux questions de Challenges.

Quelle a été votre fonction au sein de La Poste ?

J’étais DRH des Services Financiers et du Réseau Grand Public d’Ile de France en 2002 quand je me suis retrouvée victime d’un harcèlement moral caractérisé, de la part d’un directeur récidiviste. Je suis alors entrée dans une longue et pénible période où j’ai été tour à tour mutée d’office, mise au placard, intimidée, renvoyée chez moi et poussée à la démission. J’ai moi-même traversé des moments suffisamment pénibles pour envisager le suicide.

Vous êtes toujours salariée de La Poste ?

Oui. Mais il m'est impossible d'y travailler, comme de très nombreuses personnes dont on ne sait que faire. J’ai ouvert une procédure de harcèlement, interne à l'entreprise, qui n’a pas été menée de façon objective. Voilà pourquoi, aujourd’hui j’ai décidé de passer la vitesse supérieure en attaquant nommément le président Jean-Paul Bailly ainsi que deux hauts responsables des ressources humaines pour harcèlement. C'est la seule façon aujourd'hui d'obtenir que les responsables viennent s'expliquer à la barre. L’audience de plaidoirie est prévue pour janvier 2013. Cela peut paraître lointain mais pour moi c’est enfin, peut-être la fin d’un long parcours.

N’est-il pas injuste de mettre en cause les dirigeants du groupe ?

Leur responsabilité est entière car ils ont l'obligation de prévenir et de traiter le harcèlement. Or, à La Poste, le harcèlement a été érigé comme mode de management, moyen silencieux et peu coûteux de se débarrasser des personnes gênantes, peu importe la raison. Quand La Poste est entrée dans une organisation par métiers, il y a quelques années, baptisée en interne "la métiérisation", des managers ayant des fonctions techniques sont devenus des directeurs à part entière, avec des responsabilités RH. Or ces responsables n’ont pas forcément été préparés alors qu’ils doivent eux-mêmes mettre en place de profonds changements à marche forcée avec des objectifs chiffrés.

Sachez que depuis 2003, 73.000 emplois ont disparu, sans l’ouverture du moindre plan social avec les outils d’accompagnement qui en découlent. Pendant ce temps, les règles RH sont devenues plus opaques et cloisonnées. Entre les mains de managers peu au fait des RH, c'est devenu le fait du prince, accentué sans doute par le passé de l'entreprise et ses coutumes.

Quelles sont les conséquences ?

On a dégraissé à la tronçonneuse, en poussant les salariés au départ. Les congés maladies et les cas d’inaptitude se sont multipliés, au point qu’un rapport de l’inspection du travail s'est ému de la tradition qui existe dans l'entreprise de pousser les salariés vers la maladie. Il y a aussi de nombreuses procédures disciplinaires abusives qui conduisent sans motif au licenciement. Autre méthode : l'incitation très forte à la retraite proposée en guise de sortie à des personnes en plein désarroi. Je dispose de nombreux témoignages de personnes qui m’ont contacté après m’avoir entendue à la radio.

Vous avez connaissance de cas de suicides ?

Oui, ça va bien au delà des 3 suicides médiatisés. Selon les syndicats, il y en aurait 73 identifiés l’an dernier, mais cela reste, selon moi, bien en deçà de la réalité. Et je ne compte pas les nombreuses tentatives, non comptabilisées ou alors considérées comme de simples malaises. Des tentatives de suicide, j'en ai vu quasiment dans tous les dossiers qu'il m'ait été donnés d'analyser.

Votre expérience et vos griefs personnels vous empêchent d’être objective sur le climat de stress et de mal-être au travail dénoncé par les syndicats.

La période difficile est derrière moi. Maintenant je ne me donne aucune chance de réintégrer l’entreprise, je porte un témoignage qui peut être utile. Je n’ai pas attendu les cas récents de suicides pour agir. J’ai écrit à Nicolas Sarkozy, François Baroin et Xavier Bertrand pour les alerter. L'Etat est l’actionnaire de référence de La Poste, il ne peut se désintéresser de cette affaire. La Poste est une bombe à retardement. On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas.

 

Contacté par Challenges, le service de presse de La Poste nous a adressé cette réaction : "Madame Astrid Herbert Ravel communique de manière à soutenir sa procédure judiciaire en cours pour harcèlement moral contre trois dirigeants de La Poste dont deux qu’elle n’a jamais rencontrés et un, une seule fois, à sa demande. L’objet de sa procédure est d’obtenir de La Poste une transaction financière d’un montant astronomique au prétexte que ses dix dernières années professionnelles ne correspondent pas à ce qu’elle pense mériter. A ce stade La Poste réserve les éléments de ce dossier pour la justice."

Source challenges.fr du 29/03/2012

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commentaires

A
<br /> Terrible, insupportable, kafkaïen et tellement vrai............merci tout simplement Cyril !<br /> <br /> <br /> Amitiés<br />
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C
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />

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