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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 07:12
La grande dérive des comités d'entreprise

Mauvaise gestion, enrichissement personnel : tels sont les principaux reproches faits aux comités d'entreprise d'EDF GDF, de la RATP et d'Air France.

Au départ, c'était une bonne idée. La France sortait de la guerre. Elle devait se reconstruire. Alors, fidèle aux idéaux du Conseil national de la Résistance (CNR), le nouveau pouvoir avait décidé de constituer, dans les entreprises publiques, des comités d'entreprise puissants, s'occupant des oeuvres sociales des salariés, organisant des centres de vacances et bien d'autres choses encore.Tel était l'objectif assigné au comité d'entreprise d'EDF-GDF, devenu plus tard la CCAS (Caisse centrale d'activités sociales), ou à celui de la RATP, tous deux ayant vu le jour dans les années 1946- 1947, à l'initiative du Parti communiste - notamment du ministre de la Production industrielle Marcel Paul pour EDF-GDF.

Hélas, soixante-cinq ans plus tard, le rêve s'est envolé. L'affairisme est passé par là. Des dérives terribles se sont produites, sans que l'on propose le moindre remède pour y mettre un terme. Cela, sous le regard impuissant des présidents de ces entreprises. Comme Pierre Mongin, le président de la RATP, qui martèle que « la loi ne lui donne aucun contrôle, ni a priori ni a posteriori, sur les sommes qui sont entre les mains du comité d'entreprise ».

Le constat est là. Brutal : les trois plus importants comités d'entreprise de notre pays se trouvent dans le collimateur de la justice. En effet, la gestion de la CCAS d'EDF-GDF et celle de son homologue d'Air France font l'objet d'une information judiciaire, tandis que le CE de la RATP, soupçonné de malversations, fait l'objet d'une enquête préliminaire depuis le 5 septembre à la suite d'une dénonciation de la Cour des comptes.

Ces enquêtes aboutiront-elles ? ou ne sont-elles qu'un moyen de rassurer une opinion publique de plus en plus agacée par les privilèges octroyés à une minorité ? Le cas de la CCAS d'EDF-GDF semble exemplaire. Depuis 2004, une information judiciaire est ouverte au pôle financier du tribunal de grande instance, confiée à un juge expérimenté, aux compétences techniques reconnues. Il s'appelle Jean-Marie d'Huy. Celui-là même qui a instruit avec célérité l'affaire Clearstream. Or, aujourd'hui, on ne parle plus guère de ce dossier alors que le juge a mis en examen l'ancien président de la CCAS ainsi que cette dernière en tant que personne morale.

À dire vrai, les fautes constatées dans le plus important comité d'entreprise de France (près de 500 millions d'euros de budget annuel, 4000 personnes employées) sont différentes de celles constatées à Air France ou à la RATP. En schématisant, on peut dire qu'à la CCAS, on travaillait "pour la bonne cause". Enfin, une certaine cause : à savoir que la caisse demeure un bastion de la CGT et donc un relais efficace du PC. Dans les deux autres dossiers, on pressent un goût prononcé pour la sauvegarde des intérêts personnels et une propension - c'est ce qui ressort des documents de la Cour des comptes - à la combine.

Sans le courage, on pourrait presque dire l'audace, au début des années 2000, du directeur général de la CCAS, Jean- Claude Laroche (un polytechnicien, membre de la CGT mais non encarté au Parti), on n'aurait jamais découvert les liaisons dangereuses entre la CCAS et le PC.

C'est ainsi que la Caisse aurait financé - en partie (sonorisation de meetings) - la campagne présidentielle de 2002 du candidat Robert Hue. Qu'elle subventionna - par an, à hauteur de 600 000 francs - une association proche du PC, l'Association science techno logie société (ASTS). Qu'elle aurait pris en charge le salaire de 7 personnes travaillant là pour le PC, ici pour la CGT. Quoi d'autre ? Que Qualitrace, la centrale d'achats chargée d'approvisionner les 270 restaurants de la CCAS, pratiquait des tarifs supérieurs à la norme de 5 à 30 %. Que la CCAS a également donné un peu d'argent - peu de chose, certes, 28 000 francs - à l'Institut d'histoire sociale, proche de la CGT. Toutes ces activités, non seulement obéreront les finances de la CCAS, mais l'empêcheront de se concentrer sur l'une de ses missions capitales : la gestion des oeuvres sociales.

À la longue, les remarques et critiques de Laroche - qui apparaissent également dans l'enquête de la PJ - agacent au plus haut niveau. En l'espèce, le tout puissant secrétaire général de la fédération CGT de l'énergie, Denis Cohen. Lequel, au cours d'un déjeuner avec Laroche, le 4 novembre 2002, lui lance : « Le directeur général de la CCAS est un poste de militant. » Laroche a compris. C'est un gêneur. Il doit partir. Ce qu'il fait quelques semaines plus tard. La reprise en main par la CGT est en marche.

Au comité d'entreprise de la RATP, lui aussi créé au lendemain de la Li bération, les choses semblent différentes. D'abord parce que le CE n'est pas entre les mains de la seule CGT, puisque le trésorier adjoint est membre de l'Unsa et que le syndicat Sud y joue un rôle non négligeable. Ensuite, parce que cette instance, à en croire la Cour des comptes, a connu entre 2004 et 2010 une « gestion défaillante », au seul profit d'une minorité. Un exemple ? Toujours selon les enquêteurs de la Rue Cambon, 13 % seulement des 45 800 salariés bénéficieraient des activités vacances gérées par le CE.

Plus grave : les soupçons d'enrichissement personnel qui pèsent sur quelques syndicalistes. Et le secrétaire du syndicat Sud, Olivier Cots, de nous citer le cas de cet agent qui s'offrit, via le CE, des billets d'avion pour Cuba pour lui et sa belle-famille. Et de cet autre qui en a fait autant, mais à destination du Canada. Que dire encore de cet ancien dirigeant du CE qui, il y a quelques années, avait droit à une R25 Baccarat de fonction, rachetée pour un euro symbolique au moment de son départ en retraite ? et de ces permanents du CE qui, à l'occasion d'une inspection des centres de vacances de la RATP, préfèrent, au lieu d'y passer la nuit - ou plusieurs - , séjourner dans des hôtels quatre étoiles ?

Passons enfin sur la calamiteuse opération de rénovation de l'hôtel Chanteneige, dans la commune de Saint- Chaffrey (Hautes-Alpes). Cet hôtel devait être transformé en centre de vacances. L'opération sera un fiasco, avec à la clé une perte de 7 millions d'euros. Les enquêteurs de la PJ devraient s'intéresser de près à cette opération, sur laquelle des petits malins auraient pu se partager quelques profits. Bref, un bilan guère reluisant. Lequel devrait déboucher dans quel ques semaines sur l'ouverture d'une information judiciaire.

Gabegie au comité d'entreprise d'Air France

À quelques nuances près, la situation du comité d'entreprise d'Air France n'est pas loin de ressembler à celle de la RATP. Même gabegie. Mêmes soupçons de malversations à des fins personnelles. Une différence de taille tout de même : à Air France, on a frôlé, il y a deux ans, le dépôt de bilan, les pertes du CE atteignant près de 20 millions d'euros !

Il est vrai que quelques élus ne regardaient pas à la dépense, louant notamment des voitures de luxe alors que le parc automobile était largement suffisant. D'autres ne se privaient pas de s'attribuer des logements de fonction à des prix modiques.

À France Télécom, on est carrément entré dans la prévarication avec ces 230 000 euros détournés entre 1997 et 2006, selon une expertise judiciaire, par le secrétaire du CE d'une filiale de l'entreprise.

Périodiquement, la Cour des comptes, des audits et des expertises dénoncent les dérives des comités d'entreprise des plus importantes sociétés françaises. Rien n'y fait. En mai 2011, la Cour des Comptes avait épinglé, pour la énième fois, « la gestion peu économe, peu transparente et peu contrôlée » de la CCAS. Aussi n'est ce pas un hasard si, selon le site Capital.fr, son déficit devrait atteindre, pour l'exercice 2011, 42 millions d'euros. Incontestablement, ces dérapages de gestion, involontaires ou pas, périodiquement mis sur la place publique, ternissent l'image des syndicats.

Il faut réagir sous peine de voir disparaître ces acquis, qui contribuent à maintenir la paix sociale. Le ministre du Travail Xavier Bertrand et la ministre des Transports Nathalie Kosciusko- Morizet souhaitent que les CE soient soumis aux mêmes obligations que les entreprises et que leurs comptes soient certifiés. Une excellente suggestion. Sera-t-elle suivie d'effets en cette période électorale ?

Gilles Gaetner Source valeursactuelles.com

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commentaires

S
<br /> "Valeurs actuelles" est un journal proche de l'extrême droite ....<br /> <br /> <br /> Le soi-disant droit d'informer ne tient pas, s'il ne s'accompagne pas d'une analyse sur le fond du problème, en l'occurrence la volonté du MEDEF de voir disparaître tous les acquis du CNR, dont<br /> les CE sont un exemple et surtout une gêne pour la liberté d'exploiter.<br /> <br /> <br /> A-t-on lu, dans le même temps, un seul article de ce torchon de classe dénonçant le financement des partis de droite par le MEDEF ? D'où en vient l'argent, sinon du travail ?<br /> <br /> <br /> Je l'ai déjà dit, cette hypocrisie n'a qu'un but : affaiblir un peu plus le monde du travail face au patronat. Si dérives il y a, c'est aux mandants "LES TRAVAILLEURS" de les faire cesser, ils<br /> ont pour cela tout pouvoir en n'élisant pas ceux qui s'y livrent !!!<br /> <br /> <br /> Fraternellement.<br />
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C
<br /> <br /> Que le financement des syndicats patronaux ne soit pas clair, c'est une évidence, mais que certains grands Comités d'Entreprise soient "au minimum" mal gérés, c'est aussi une réalité, et c'est un<br /> secret de polichinelle.<br /> <br /> <br /> Là où les organisations syndicales sont fautives, c'est de ne pas avoir mis le holà sur les dérives, et renvoyer la faute sur les salariés qui ont voté, ce n'est pas jouable.<br /> <br /> <br /> Que la justice fasse son travail et condamne s'il y a lieu à condamner, c'est le seul moyen de retrouver un peu de confiance entre les salariés et les organisations syndicales.<br /> <br /> <br /> Aujourd'hui, les salariés pensent que quelle que soit l'organisation syndicale qui gère un CE, il y aura des abus, elle est là la triste réalité. Et sur ce que nous voyons, il n'est pas possible<br /> de leur dire le contraire.<br /> <br /> <br /> Va dire à un salarié qui ne bénéficie que du tiers de la subvention à laquelle il a droit que c'est normal... et les grands gagnants de ce petit jeu reste le patronat qui laisse se gaver ceux qui<br /> le désirent et disent on n'a rien vu.<br /> <br /> <br /> <br />

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