Le secrétaire général de la CGT Thierry Lepaon, lors d'une manifestation à Paris le 16 octobre 2014
Interrogé par l'Express, Thierry Lepaon confirme l'existence de cette transaction, mais n'y voit rien d'anormal. "Je changeais d'employeur", se justifie-t-il. Pourtant, bien qu'autonomes, les deux maisons font bien partie de la galaxie CGT et plaider le changement d'employeur est assez audacieux. Quant au montant, il ne "s'en souvient plus", mais "ce n'était pas grand-chose puisqu'il n'avait que cinq ou six années d'ancienneté" dans la fonction.
Si la pratique n'a rien d'illégal, elle est pour le moins surprenante de la part d'un secrétaire général de la CGT. Une organisation qui n'a jamais caché tout le mal qu'elle pensait d'un dispositif créé en 2008, qu'elle juge trop favorable au patronat.
Depuis la fin du mois d'octobre, les révélations sur le montant des travaux réalisés dans l'appartement et le bureau de Thierry Lepaon ont suscité d'importants remous à la CGT.
Des voix commencent à s'élever, au sein de la centrale, contre son secrétaire général, affaibli par les révélations sur son appartement et son bureau.
Thierry Lepaon ira-t-il à la fin de son mandat, prévu fin novembre2016 ?
Ambiance délétère à la CGT. Vendredi, dans les couloirs du siège de Montreuil (Seine-Saint-Denis), on ne parlait que de ça... « Un homme s'est mis à hurler dans le patio, insultant Thierry Lepaon, le traitant de voleur et réclamant son départ », rapporte un des témoins.
« C'est du jamais-vu. »
D'autres évoquent à l'abri des regards les « courriers envoyés par les organisations de la centrale », qui arrivent au 7 e étage (celui de la direction) pour réclamer la tenue d'un comité central national (CCN) extraordinaire avec pour ordre du jour la démission de Lepaon. Certains appellent aussi à une grève des cotisations... Les révélations sur le secrétaire général de la CGT -- les travaux de son appartement de fonction à 105 000 €, la rénovation du bureau à plus de 60 000 EUR -- ont sidéré une partie des troupes.
Boule puante
Pourtant, tout le monde se garde bien de le dire tout haut, par peur des représailles. Pour l'heure, la direction confédérale a réussi à empêcher toute contestation, mettant en avant la thèse du complot. Boule puante ou pas des anti-Lepaon, les arguments du n o1 ne semblent plus suffire à calmer les esprits. Les onéreux travaux du bureau, révélés par le « Canard enchaîné », ne passent pas. « Cela traduit une telle insouciance », observe un responsable. Et la question commence à tourner dans les têtes des militants : Lepaon ira-t-il à la fin de son mandat, prévu fin novembre 2016 ?
« La mauvaise passe », selon l'expression de son ancien leader Bernard Thibault, n'en finit donc pas de durer. La grogne s'amplifie chaque jour et reflète non plus un problème de ligne comme il y a quelques mois. Elle se polarise désormais sur la personne d'un Lepaon affaibli. Une lente descente aux enfers pour le successeur de Thibault, toujours en quête de légitimité après plus de vingt mois à la la tête de la CGT. D'autant que les résultats ne sont pas là après les mobilisations ratées des derniers mois.
En échec chez EDF et chez Orange
Même constat dans les entreprises. Chez EDF, où elle était reine depuis des décennies, la CGT a essuyé un premier échec cuisant en 2013, perdant 4 points, avec 37,5 % des voix aux élections professionnelles. Chez Orange récemment, le syndicat a été détrôné par la CFDT. A quelques jours des élections professionnelles dans la fonction publique, son bastion, tout le monde guettera les résultats. « Si la CGT arrive avec moins de 25 % des voix, Lepaon aura du mal à rester », pronostique un expert des syndicats.
Vu de l'Elysée, trois scénarios sont sur la table : « Soit nous sommes à la veille d'une révolution de palais, soit la pression est telle que Lepaon démissionne, soit la CGT sauvegarde les apparences et rentre dans une période glaciaire... » Quoi qu'il en soit, si une nouvelle affaire venait à sortir, « ce serait un peu la dernière étape avant la sortie », prédit ce proche de François Hollande.
Source leparisien.fr