« Je paie mon engagement syndical et prud’homal. » Pour Nadia*, si elle ne trouve pas de travail, c’est le fait de son ancienne entreprise, Revlon France, où elle a travaillé dix ans comme assistante acheteur développement packaging, sur le site de Bezons. Elle vient d’ailleurs de déposer une plainte contre X pour discrimination en raison de l’activité syndicale auprès du parquet de Pontoise.
Licenciée économique en juillet dernier, Nadia recherche alors un emploi dans son domaine. « Mon CV étant disponible sur le Net, j’ai été contactée par des chasseurs de têtes à plusieurs reprises, détaille la quadragénaire, habitante des Coteaux à Argenteuil. J’ai rencontré cinq entreprises. Les premiers rendez-vous se sont très bien passés. Mais, au moment des vérifications de compétences, ça bloquait systématiquement. »
Elle fait alors appeler son ancienne société par une connaissance. « Mon contact s’est fait passer pour une agence de recrutement et a discuté avec deux de mes supérieurs, explique cette mère de famille. Dès les premières questions, ces personnes parlent de mes mandats de déléguée du personnel et de conseillère prud’homale à Pontoise. C’est une mise à mort professionnelle », s’insurge celle qui a fait enregistrer ces conversations. Dans la plainte, elle en rapporte des passages : « Elle a été pendant dix ans mon assistante […] elle a été très bien, très correcte, et un jour, elle a changé complètement d’attitude ; quand elle a fait partie d’un syndicat, j’ai eu les pires ennuis […] cela a fait de gros, gros soucis. » Lors d’un autre testing, un homme explique : « […] Je pense qu’elle ne pourra pas mener tout de front… et ses responsabilités en tant que conseillère au tribunal des prud’hommes… Il va falloir qu’elle choisisse. » Tous deux admettent pourtant qu’elle est « compétente ».
Pour Nadia, c’est la douche froide. « J’ai mis deux mois à me remettre de ces enregistrements, indique-t-elle. Et puis, je ne suis plus déléguée du personnel puisque je ne suis plus dans l’entreprise. Concernant mon mandat prud’homal à la section encadrement, je ne verrai pas pourquoi je devrais faire un choix… Maintenant, je comprends mieux la frilosité des recruteurs à m’embaucher », réagit-elle, agacée. Pour l’union départementale de la CGT, constituée partie civile dans cette affaire, « c’est inadmissible ». « La discrimination syndicale, ça existe. Mais, il est peu fréquent d’avoir à faire à ce genre d’attitude. Les propos tenus sont sans ambiguïtés, sans appel », s’insurge Melissa Allal, secrétaire générale de la CGT Cergy et membre de la direction de l’union départementale. « C’est totalement prohibé », renchérit l’avocate de Nadia, Véronique Lanes. Jointe par téléphone, la direction, basée à Paris, n’a pas souhaité s’exprimer.
* Le prénom a été modifié.
Par MAïRAM GUISSÉ Source leparisien.fr