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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 19:18
«Nicolas Sarkozy et Cécilia faisaient partie des visiteurs»

 Claire Thibout raconte le versement de sommes en cash durant la campagne de 2007, la nomination de Florence Woerth et les pressions qu’elle a subies.

Claire Thibout, 53 ans, l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt, a longuement répondu aux questions de Libération. Elle s’explique sur les enveloppes, les remises d’espèces à Eric Woerth et les pressions qu’elle a subies.

 

DES ENVELOPPES ET DES HOMMES
«Je confirme les visites de personnalités politiques de droite»

Vous êtes le témoin clé de l’affaire Bettencourt. Pourquoi acceptez-vous aujourd’hui de sortir du silence ?

D’abord parce que je veux que l’on sache que les procédures qui me visaient ont été fermées. J’ai été accusé par Me Kiejman [ex-avocat de Liliane Bettencourt, ndlr] d’avoir volé des documents. On m’a également attaquée pour subornation de témoin pour avoir reçu 400 000 euros de la fille de madame Bettencourt et encore pour dénonciation calomnieuse à l’encontre d’Eric Woerth. Ces trois dossiers sont clos et je m’estime définitivement lavée des soupçons. Je suis réhabilitée et je ne suis pas la comptable folle, menteuse, comme certains ont voulu le faire croire. Je suis un témoin qui a toujours dit la vérité. Je veux aussi que l’on sache le traitement injuste dont j’ai fait l’objet et les conséquences de cette affaire sur ma vie et celle de ma famille.

L’année dernière, vous aviez raconté à la police des remises d’enveloppes de billets à des hommes politiques par les Bettencourt. Des déclarations qui avaient été contestées. Avez-vous confirmé ces remises d’espèces au juge de Bordeaux qui vous a interrogée ?

Oui ! Pendant toute la durée de mon emploi chez les Bettencourt, de 1995 à 2008, j’ai régulièrement remis des espèces à monsieur Bettencourt. Cela n’a jamais changé. C’était connu dans la maison et d’autres membres du personnel l’ont confirmé. Je confirme aussi les visites fréquentes de personnalités politiques de droite dans l’hôtel particulier de Neuilly : Pierre Messmer, François Léotard, Renaud Donnedieu de Vabres…

Nicolas Sarkozy faisait-il partie de ces visiteurs ?

Oui, Nicolas Sarkozy et son épouse Cécilia. Eric Woerth aussi… Je ne dis pas que tous venaient pour ça, mais il est clair que certains venaient aussi pour ça. Il m’a été rapporté qu’à la suite de la visite de l’un d’eux, monsieur Bettencourt aurait dit en plaisantant : «Ah ! Celui-là, il n’est pas venu pour rien.»

La juge Prévost-Desprez a déclaré dans un livre que l’ancienne infirmière de Liliane Bettencourt avait confié à sa greffière avoir vu une remise d’enveloppe à Nicolas Sarkozy. Ce témoignage vous semble-t-il crédible ?

Tout était possible à la fin, quand Madame allait mal. Son infirmière était très présente à ses côtés, elle a donc pu assister à beaucoup de choses. Je ne suis pas au courant de cet épisode, mais cela me paraît plausible.

C’est vous qui prépariez les enveloppes de liquide ?

Je le faisais à la demande de monsieur Bettencourt jusqu’à ce que son état de santé se détériore en 2006-2007. Il me demandait d’aller retirer de l’argent, parfois de grosses sommes, 100 000 euros, 150 000 euros. Puis je lui préparais des enveloppes. Tous les 20 billets de 100 euros, je mettais un trombone pour qu’il s’y retrouve. Et, sur ces enveloppes en kraft, j’écrivais la somme en euros, l’équivalent en francs et parfois même en centimes.

 

50 000 EUROS POUR LE TRÉSORIER DE L’UMP
«De Maistre m’a dit que cet argent était destiné à Eric Woerth»

A qui monsieur Bettencourt remettait-il ces enveloppes ?

Je n’ai jamais assisté à une remise d’espèces, sauf à celle de 50 000 euros que madame Bettencourt a remise à monsieur de Maistre suite à la demande qu’il m’avait faite pour Eric Woerth.

Comment s’est déroulée cette remise de liquide à Eric Woerth ?

Tout s’est déroulé en janvier 2007. Patrice de Maistre [alors gestionnaire de la fortune de madame Bettencourt, ndlr] m’a appelé dans son bureau. Il m’a demandé 150 000 euros. Quand monsieur ou madame Bettencourt me faisaient de telles demandes, je m’exécutais sans poser de questions. Comme la demande venait de lui, je lui ai demandé des explications. Il m’a alors dit que cet argent était destiné à Eric Woerth [alors trésorier de l’UMP et de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy]. Il a ajouté que c’était pressé.

Comment avez-vous réagi ?

J’en ai parlé le soir à mon mari, qui m’a dissuadé de donner cet argent. Le lendemain, j’ai donc appelé mon interlocutrice à la BNP Paribas, madame Eva Amel. Après lui avoir rappelé que je n’avais qu’un accréditif de 50 000 euros par semaine, je lui ai dit : «Monsieur de Maistre va vous appeler pour vous demander 150 000 euros. Mais je ne viendrai pas les chercher.» Elle m’a répondu que cela était judicieux. J’ai indiqué à Patrice de Maistre que je ne pouvais pas lui remettre la somme qu’il me demandait, ce qui l’a énervé. Il a fini par me dire : «Donnez-moi ce que vous pouvez.» J’ai donc remis 50 000 euros en espèces à madame Bettencourt, qui les lui a remis en ma présence. Il souhaitait que l’enveloppe transite par elle pour ne pas avoir à signer de reçu. Il lui a expliqué brièvement que l’argent était destiné à Eric Woerth, mais à cette période Madame n’allait pas bien. Elle n’a donc pas compris.

Quand l’argent a-t-il été remis à Eric Woerth ?

Cette remise d’argent s’est déroulée le lendemain, le 19 janvier, lors d’un rendez-vous que j’ai noté dans mon agenda. Je crois savoir qu’il est également noté dans l’agenda de madame Bettencourt et de celui de Patrice de Maistre. Je crois encore savoir que, le lendemain, de Maistre a rencontré Eric Woerth.

Cet épisode a-t-il un lien, selon vous, avec l’embauche de Florence Woerth en septembre 2007 au sein de Clymène, société chargée de valoriser la fortune de Liliane Bettencourt ?

A l’époque, Clymène avait besoin de recruter. De Maistre voulait embaucher un jeune… Finalement, c’est Florence Woerth qui est arrivée. Je ne sais pas comment ça s’est passé. En tout cas, je n’ai pas fait son contrat de travail alors que je les faisais tous habituellement. Ils l’ont ensuite fait signer à madame Bettencourt. Je pense que monsieur de Maistre a agi derrière mon dos pour que je n’en parle pas à André Bettencourt, avec qui j’étais très proche. Il n’aurait sans doute pas été d’accord. Il aurait dit : «On ne mélange pas tout.» Début 2008, je me suis rendue à la cérémonie de remise de la Légion d’honneur de Patrice de Maistre. Je n’étais pas à l’aise car je me demandais bien ce que je faisais là. Ce n’est que plus tard que je me suis rendue compte de l’enchaînement des événements… La remise d’espèces à Eric Woerth puis l’embauche de Florence Woerth et la Légion d’honneur à de Maistre. Initialement, la remise de cette Légion d’honneur devait intervenir le 19 novembre 2007, jour du décès de monsieur Bettencourt. Je me souviens que de Maistre avait été contrarié de devoir l’annuler.

 

LES PRESSIONS
«Des gens très haut placés à la manœuvre»

L’été dernier vous avez été interrogée à douze reprises par la police. Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

J’ai vécu un véritable calvaire. Témoin, j’ai été traitée comme une accusée. J’ai eu l’impression de devenir l’ennemi public numéro 1, notamment quand je suis descendue dans le sud de la France pour rejoindre des cousins. C’était après l’article de Mediapart concernant les remises d’enveloppes. Les policiers sont venus me chercher chez mes cousins. Il y avait des cars de police qui étaient garés devant leur maison depuis des heures. J’ai ensuite été interrogée dans la nuit à Montpellier par cinq policiers. Ils m’ont pressée de questions pendant des heures, je n’ai rien pu manger ou presque. En fait, ils essayaient de me mettre sous pression pour que je revienne sur mes déclarations. A la fin de l’interrogatoire, ils m’ont laissée en pleine nuit dans cette ville. Mes cousins ont dû venir me chercher. Dans le train du retour vers Paris, le lendemain, l’un des policiers qui m’accompagnait a encore essayé de me faire craquer. Sur le ton de la confidence, il m’a glissé : «Vous pouvez me le dire que c’est pas vrai, ne vous inquiétez pas.» Ils ont même fouillé mon sac comme si j’étais une délinquante.

Au-delà des policiers, de qui, selon vous, venaient ces pressions ?

Ce que je peux dire, c’est que, dès lors que j’avais parlé de remises d’argent en espèces à des politiques, les policiers ont tout fait pour me faire revenir sur mes propos. Lors de mes interrogatoires, chaque page de mes procès-verbaux était immédiatement transmise dans les bureaux des supérieurs. Les policiers revenaient avec de nouvelles questions. Je pense que des gens très haut placés étaient à la manœuvre.

Avez-vous eu peur ?

A un moment, j’ai pensé qu’il pourrait m’arriver quelque chose. Mon mari, ma famille avaient peur. Je suis néanmoins quelqu’un de solide. Je disais la vérité et personne ne pouvait me faire revenir sur mes propos.

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Je n’ai plus de travail depuis plusieurs mois. Quand l’affaire a éclaté, l’été dernier, je travaillais comme directrice dans une association qui s’occupe de jeunes enfants. Le directeur, et je peux le comprendre, a pris peur devant l’ampleur de l’affaire. Nous avons donc trouvé un accord et je suis partie après l’été. J’ai ensuite cherché activement du travail. J’ai répondu à des centaines d’annonces mais je n’ai obtenu que quelques rares rendez-vous. Cela se passe à chaque fois de la même façon. Je suis très bien reçue car j’ai un bon CV et une bonne expérience, mais tout se gâte quand mes interlocuteurs découvrent que je suis l’ex-comptable de madame Bettencourt. Malheureusement, compte tenu du traitement dont j’ai fait l’objet et de l’image déformée qui a été donnée de moi, ils ne donnent pas suite. A mon corps défendant, je suis celle par qui le scandale est arrivé alors que je n’ai fait que dire la vérité. J’ai l’impression d’être marquée au fer rouge par cette affaire. Ma famille a aussi été profondément touchée. Mon mari, informaticien, avait fait des copies des enregistrements effectués par le maître d’hôtel. Pour cette raison, il a été placé en garde à vue. A la demande du procureur Courroye, la police lui a confisqué son matériel et ne le lui a jamais restitué. Il n’a donc pas pu poursuivre son travail. En tant que gérant d’une société, il n’a pas eu droit au chômage. Mes enfants sont eux aussi très perturbés. Je suis l’objet d’un contrôle fiscal. Notre vie est dévastée.

Si c’était à refaire, est-ce que vous hésiteriez ?

J’hésiterais certainement, mais je le referais tout de même. Encore une fois je ne dis que la vérité. Moi, aujourd’hui, je veux simplement retrouver la paix et un travail.

Par VIOLETTE LAZARD Source liberation.fr

 

Claire Thibout rouvre la plaie Bettencourt

Le témoignage de l’ex-comptable de la milliardaire est une nouvelle pierre dans le jardin de l’Elysée. Peut-être la plus gênante.

L'ex-comptable des Bettencourt, Claire Thibout, arrive au tribunal de Bordeaux le 14 septembre 2011

 

Elle parle doucement, pèse ses mots, mais le ton est ferme, sans hésitation. Dans un long entretien à Libération, Claire Thibout, l’ex-comptable de Liliane Bettencourt, sort du silence dans lequel elle s’était murée depuis plus d’un an. Elle raconte dans le détail l’histoire des enveloppes distribuées aux politiques, les visiteurs du soir chez les Bettencourt et les incroyables pressions qu’elle a subies durant des mois. Car, en juillet 2010, après avoir livré ce même témoignage aux enquêteurs, Claire Thibout avait été vouée aux gémonies. Accusée de mythomanie, de manipulation et même de vol, ses déclarations avaient alors été partiellement discréditées, aussi bien par les policiers que par Philippe Courroye, le procureur de Nanterre, à l’époque maître de l’enquête.

Explosif. Ce temps est révolu. La comptable a été lavée de tous soupçons et la procédure est désormais entre les mains de trois juges d’instruction bordelais, dont l’indépendance n’est pas en doute. Ce sont eux - Jean-Michel Gentil, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël - qui ont longuement interrogé l’ex-comptable mercredi 14 septembre. Un autre témoin clé, dont l’identité reste à ce jour mystérieuse, a également été entendu, tout comme Isabelle Prévost-Desprez (1), la juge de Nanterre venue s’expliquer pour ses propos dans le livre Sarko m’a tuer où elle affirme que l’ancienne infirmière de Liliane Bettencourt a dit un jour à sa greffière : «J’ai vu des remises d’espèces à Sarkozy, mais je ne pouvais le dire sur procès-verbal.»

De source proche du dossier, on affirme que le volet le plus explosif de l’affaire Bettencourt, qu’on croyait enterré à Nanterre, «ressuscite à Bordeaux». Mais dans la plus grande discrétion. Il vise l’éventuel «trafic d’influence, le financement illicite de parti politique ou de campagne électorale». En clair, les juges cherchent à vérifier si la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 a bien été légalement financée.

Rebondissements. Dans cette perspective les explications de Claire Thibout sont cruciales. Elle raconte dans le détail comment Eric Woerth, le trésorier de cette campagne, aurait reçu 50 000 euros des mains de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Un épisode qui se serait déroulé le 19 janvier 2007, trois mois avant le premier tour de l’élection.

Il est d’autant plus crédible qu’un certain nombre de documents saisis par les enquêteurs confirmeraient les rendez-vous entre Claire Thibout et Patrice de Maistre, puis entre l’homme de confiance de la milliardaire et Eric Woerth. Interrogés à Nanterre, l’été dernier, les deux hommes avaient nié sans être davantage inquiétés. Il pourrait en aller tout autrement d’ici quelques semaines face aux magistrats bordelais.

De la même façon, les magistrats s’intéressent à la remise de Légion d’honneur à Patrice de Maistre par Eric Woerth puis à l’embauche de l’épouse de celui-ci au sein du holding des Bettencourt. Là encore, les explications de Claire Thibout sont capitales, comme sa narration des incroyables pressions dont elle aurait fait l’objet.

Au final, alors que les rebondissements se succèdent dans l’affaire dite de Karachi, que des proches du chef de l’Etat sont mis en examen, que des hauts policiers risquent d’être poursuivis pour avoir espionné le téléphone d’un journaliste du Monde(lire page 5), l’enquête Bettencourt pourrait bien s’avérer être la plus embarrassante pour le pouvoir.

La convocation inéluctable d’Eric Woerth en sa qualité de trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy, avec la menace d’une mise en examen pour «trafic d’influence» et «financement illicite de campagne électorale», placerait le chef de l’Etat en première ligne.

(1) Suite à ses déclarations dans le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Isabelle Prévost-Desprez est convoquée vendredi par sa hiérarchie. La présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre est attendue pour «un entretien préalable à l’engagement de poursuites disciplinaires» dans le bureau du premier président de la cour d’appel de Versailles.

Par ERIC DECOUTY, VIOLETTE LAZARD Source liberation.fr

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commentaires

A
<br /> <br /> Bonsoir Cyril,<br /> <br /> <br /> POUR COMMENCER : deux mesures immédiates . 1 - Tout financement d'un parti ou d'un syndicat autre que les cotisations des membres est strictement interdit et condamne par la Justice 2- Tout élu<br /> condamne pour fraudes ou malversations perd définitivement la possibilité d'être un ELU politique .<br /> Que dire alors de toutes ces lois votées, ou transformées, par rapport à cette collusion entre les gouvernements et le monde des affaires. Tout cela sur le dos du peuple et de la France<br /> <br />  Le scandale Woerth Bettencourt a éclaté au moment où le gouvernement lançait son projet sur les retraites. Nous n'avons pas oublié que la première fortune de France est soupçonnée d'avoir<br /> versé des centaines de milliers d'euros aux politiciens qui nous gouvernent actuellement... pendant que la majorité des salariés gagne à peine plus que le SMIC.<br /> <br /> <br /> Je pense que nous attendrons longtemps un dénouement judiciaire<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Ce qui est compliqué c'est cela : si la justice démontrait un jour qu'un président de la République a été élu en trichant sur ses comptes de campagne, quelle sanction doit-on prendre contre lui<br /> et quelle réparation doit-on donner à celui ou celle qui a perdu en ayant respecté la Loi.<br /> <br /> <br /> Je ne parle même pas des millions d'électeurs floués...<br /> <br /> <br /> <br />

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