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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 20:32
Mélenchon et Thibault : retour sur une photo

Conférence de presse de Bernard Thibault et Jean-Luc Mélenchon le 17 janvier 2012 AFP / MARTIN BUREAU

Conférence de presse de Bernard Thibault et Jean-Luc Mélenchon le 17 janvier 2012

 

La photo, la conférence de presse et l’entretien de Jean-Luc Mélenchon avec Bernard Thibault interrogent l’histoire de la relation entre parti et syndicat dans la gauche radicale et permet de lire quelques évolutions récentes.

Historiquement, il existe quatre grands modèles dans la relation entre les partis politiques et le mouvement syndical.

  1. Le modèle du syndicat courroie de transmission : le syndicat sert de vivier au Parti et reprend ses directives et instructions. Il a fonctionné surtout en Allemagne.
  2. Directement inspiré par le modèle social-démocrate allemand, le modèle léniniste : la centrale exécute les injonctions du parti. Il a fonctionné en URSS et dans tout le mouvement communiste international.
  3. Le modèle trade-unioniste anglais : le Parti est l’émanation du syndicat, ses représentants syndicaux forment le parti. En Angleterre, encore aujourd’hui le responsable du Labor se rend au congrès des trade-unions avant de participer aux instances du parti.
  4. Le modèle latin syndicaliste révolutionnaire : les syndicats refusent toute injonction des partis. Le syndicalisme se considère comme autonome et capable d’assurer la gestion de la société.

En France, le mouvement syndical est né sous la double impulsion du mouvement socialiste et du mouvement libertaire. Ces derniers ont imaginé une société abolissant le patronat et le salariat, dans laquelle l’ordre ancien est renversé par la grève générale. Les socialistes français se sont d’abord réclamé du modèle allemand avant de se rallier aux thèses de l’indépendance du syndicalisme vis-à-vis des partis politiques défendues par les libertaires. Cette conception est devenue en partie caduque après 1920. Si le modèle dominant jusqu’en 1920 a été le syndicalisme révolutionnaire avec la greffe bolchevique sur le mouvement ouvrier français, la nature des relations a changé. Progressivement le modèle bolchevique s’est imposé dans la gauche sans qu’il ne soit jamais totalement dominateur. La mémoire des temps héroïque du syndicalisme est restée prégnante.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

La majeure partie des centrales syndicales ont abandonné les principaux mythes fondateurs du syndicalisme comme la grève générale et l’abolition du salariat. Le modèle communiste est défait et ne fonctionne plus réellement. Localement et institutionnellement des pratiques persistent mais le PCF a abandonné le principe même de la direction du parti sur le syndicat (1). Tout comme le Parti de gauche, l’actuel PCF veut se placer aux côtés du mouvement syndical. Tous deux laissent place à une certaine ambiguïté. Les héritiers historiques du bolchevisme continuent à se réclamer ouvertement de la domination du Parti sur le mouvement syndical, comme à Lutte ouvrière, à mots couverts pour le NPA et de manière clandestine pour le POI "lambertiste".

La quasi-totalité des militants des dites organisations participent à la vie des différentes centrales syndicales. Il n’existe pas d’uniformité dans la gauche radicale. Les libertaires sont membres de la CNT ou des grandes centrales syndicales avec une forte minorité au sein de Force ouvrière. Les militants du PCF restent à la CGT, ceux du Parti de gauche sont répartis dans les différentes centrales alors que les trotskistes du NPA sont majoritairement à SUD, les lambertistes appartiennent à FO et les militants de LO militent volontiers à la CGT. Les enseignants se réclamant de la gauche radicale militent parallèlement à la FSU, dans les fédérations SNES et SNESsup, sauf pour une minorité membre de SUD et en générale appartenant au NPA.

Aujourd’hui, contrairement au passé, les principaux responsables politiques se rendent auprès des ouvriers en lutte dans tel ou tel conflit social. Cette attitude renvoie à une définition nouvelle de l’articulation entre mouvement social, mouvement syndical et vie politique.

Lors de la conférence de presse commune avec Jean-Luc Mélenchon, Bernard Thibault s’est réjoui de voir certains partis politiques défendre les options de la CGT. Pas si étonnant vu qu’une grande partie des acteurs du mouvement syndical a été nourrie par une formation politique dans la gauche radicale. Même si depuis, ils ont pu évoluer (2). Néanmoins la transformation actuelle réside dans le fait que ce sont les responsables syndicaux qui inspirent les partis. Certains partis reprennent les idées des centrales syndicales, comme si le trade-unionisme avait pris le pas sur les autres courants historiques du mouvement syndical.

 

(1) Sur ce point voir les travaux de Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, La CGT, Paris, La Découverte, 1997 et Histoire des syndicats, Paris, Seuil, 2007 et par exemple "PC CGT : la courroie cassée ?"

(2) Bernard Thibaut est passé par le Parti communiste et Annick Coupé de Sud par chez les maoïstes.

 

Source tempsreel.nouvelobs.com

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commentaires

C
<br /> C'est intéressant tout ça et mérite débat. D'un côté on peut être d'accord avec le fait que le parti était partie prenante du syndicat qui l'accompagnait. C'était à l'époque où le PCF était bien<br /> côté comme la CGT et où les luttes étaient demandeuses de lutte de classe et bien servies par ses deux organes voués à ses fondamentaux de lutte de classe.<br /> <br /> <br /> A présent, qu'importe que la CGT soit proche ou non du PCF, puisque les deux ont galvaudé leurs idéaux, ceux qui justement étaient sensés servir les travailleurs et non le capital. Personne n'y<br /> comprend plus rien au rôle d'un parti comme au rôle d'un syndicat qui laisse tomber ses militants rebelles, qui vend les luttes des travailleurs, qui ne pense qu'au réformisme et à la course aux<br /> places.<br /> <br /> <br /> Alors, comme l'article me donne l'occasion de faire l'amalgame ce qui m'est reproché chaque fois que je le fais par les militants, je ne me gêne pas parce qu'amalgame il y a dans la perte<br /> d'idéaux et ça, le peuple le ressent bien même s'il ne sait l'exprimer comme il faut et ce désespoir s'exprime dans l'abandon de tout soutien aussi bien politique pour le PCF que syndical pour la<br /> cégète.<br /> <br /> <br /> De plus, entre syndicalistes règnent des conflits d'opposition qui sont très prégnants sur le terrain des luttes. Les anarcho-syndicalistes sont très mal perçus par les gars de la CGT et de la<br /> FSU et je ne parle pas des syndicalistes de FO et de SUD, qui pour certains résultent de l'insulte suprême.<br /> <br /> <br /> Alors qu'en toute intelligence, on doit mettre son étiquette dans sa poche pour unir les luttes, alors que ceux qui le demandent à corps et à cri depuis des années sont les premiers à faire<br /> preuve de sectarisme aigü, comment alors s'étonner encore du vide qui se fait petit à petit dans les engagements.<br /> <br /> <br /> C'est pareil pour le parti et les seules choses à incriminer dans ce constat sont l'abandon de la lutte de classe et le glissement réformiste.<br /> <br /> <br /> Moi, je n'ai pas de remède à ça, je pense qu'il faudra réinventer une autre façon de défendre les salariés parce qu'à mon avis, on perd notre temps à vouloir à tout prix retourner en arrière. Le<br /> passé sert de base, les expériences aussi, à présent ce qui ne fonctionne plus doit donner naissance à d'autres mouvements populaires, des mouvements qui seront nourris des attentes concrètes des<br /> salariés, des citoyens et adaptés aux formes modernes de notre société.Ceci tout en gardant toujours les valeurs fondamentales qui sont celles de l'humanisme et de l'abolition de l'exploitation<br /> de l'homme par l'homme.<br /> <br /> <br />  <br />
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C
<br /> <br /> Peut-être qu'il faut créer un nouveau courant de pensée où chacun serait libre d'adhérer, sans regarder vers le passé.<br /> <br /> <br /> Tous les grands penseurs du passé visaient à porter la Révolution Libératrice, chacun répondant aux exigences de son époque. Voir que cela est devenu aujourd'hui un outil de division au sein des<br /> militants est un contresens historique.<br /> <br /> <br /> Cataloguer les individus ne sert qu'à empêcher l'union des forces et la convergence des luttes.<br /> <br /> <br /> <br />

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