La réforme de la médecine du travail bientôt de retour au Sénat et toujours critiquée
Destinée à améliorer la prévention et pallier la pénurie de médecins, la réforme de la médecine du travail, invalidée par le Conseil constitutionnel dans le texte sur les retraites, sera prochainement de retour au Sénat, via une proposition de loi qui suscite la vive opposition de professionnels et syndicats.
Destinée à améliorer la prévention et pallier la pénurie de médecins, la réforme de la médecine du travail, invalidée par le Conseil constitutionnel dans le texte sur les retraites, sera prochainement de retour au Sénat, via une proposition de loi qui suscite la vive opposition de professionnels et syndicats.
Le Conseil constitutionnel a censuré en novembre le volet sur la médecine du travail qui avait été greffé par amendements à la réforme des retraites, au motif qu'il n'avait aucun lien "avec le projet de loi initial". Mais les sénateurs centristes ont déposé une proposition de loi qui reprend les mêmes articles et sera examinée le 27 janvier au Sénat.
Syndicats et médecins s'étaient déjà mobilisés contre une réforme introduite "en catimini". Ils continuent de dénoncer un texte qui selon eux met en danger l'indépendance des médecins du travail et atténue la responsabilité des employeurs, alors que les risques psychosociaux et maladies professionnelles s'accentuent.
Plusieurs rapports ont souligné l'urgence à renforcer la prévention des risques professionnels et pallier la pénurie de médecins du travail. La France n'en compte que 6.500 (dont trois quarts ont plus de 50 ans), pour suivre les 16 millions de salariés du privé, dans des services de santé au travail autonomes (au sein des grandes entreprises) ou interentreprises (associations en charge de la santé des salariés des TPE ou PME).
Pour le collectif "Santé Travail" qui regroupe notamment le Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST), l'association Santé et médecine du travail (SMT) et Solidaires, le texte sénatorial annonce la "destruction de la médecine du travail".
Le collectif dénonce "une confusion des genres" dans les services de santé interentreprises, où les médecins du travail seront à la fois chargés de la surveillance de la santé des travailleurs (qui relève de leur compétence), mais devront également aider l'employeur dans la gestion des risques (qui relève jusqu'à présent de la seule responsabilité de l'employeur), explique Dominique Huez (SMT).
"Jusqu'à présent, la médecine du travail permettait à ceux qui étaient cassés par le travail de pouvoir obtenir réparation. Mais le projet va garantir l'impunité des employeurs, en faisant partager leur responsabilité avec les médecins du travail", ajoute Eric Beynel (Solidaires).
L'indépendance des médecins du travail est aussi "subordonnée à un contrat d'objectifs", mis en oeuvre par le directeur du service de santé au travail sous l'autorité du président (nommé par les employeurs), déplore Mireille Chevalier (SNPST).
"Le projet est bien de mettre l'action des médecins sous la surveillance des employeurs", ajoute Odile Chapuis, porte-parole d'un autre collectif regroupant médecins et inspecteurs du travail, à l'origine d'une pétition contre "la mise à mort de la médecine du travail".
La proposition de loi instaure aussi des équipes pluridisciplinaires autour du médecin du travail, composées notamment "d'intervenants en prévention des risques professionnels" et d'infirmiers, qui n'auront, à l'inverse des médecins du travail, "ni protection légale ni indépendance statutaire" vis-à-vis de l'employeur, fait valoir la CFE-CGC.
D'autres, comme la CGT, dénoncent une fausse parité syndicats-employeurs dans les conseils d'administration des services de santé au travail, puisque le président, qui a une voix prépondérante, ne peut être issu que des employeurs.
Selon Bernard Salengro (CFE-CGC), ce texte risque d'agir comme un "repoussoir" pour ceux qui voudraient se spécialiser en médecine du travail.
Source tv5.org